Le biologging

Une technologie originale
pour étudier les propriétés des océans

Histoire

Les océans couvrent plus de 70% de la surface de la Terre et jouent un rôle essentiel dans la dynamique climatique planétaire, tout en fournissant des ressources, mais aussi des biens et des services, aux populations du monde entier. Ces derniers abritent la plus grande biodiversité de la planète, constituent l’un des réservoirs de carbone les plus importants du système terrestre et représentent 50% de la production primaire mondiale. Les océans assurent également les transferts de chaleur dans les deux hémisphères (e.g., Gulf Stream dans l’hémisphère nord ; Courant des Aiguilles dans l’hémisphère sud), et pilotent le développement de nombreux phénomènes extrêmes, tels que les cyclones tropicaux. L’observation détaillée des propriétés et de l’évolution des océans dans le temps revêt donc un caractère fondamental, aussi bien d’un point de vue climatique, que biologique, météorologique, ou encore socio-économique.

La communauté internationale a conçu, au début des années 90, le système mondial d’observation des océans « GOOS » (Global Ocean Observing System) pour renforcer, centraliser, et diffuser plus rapidement la collecte d’observations océaniques à l’échelle globale. Ce réseau est encore aujourd’hui le seul système mondial permanent d’observation, de modélisation et d’analyse des variables marines et océaniques. Il repose en grande partie sur des satellites d’observation de la Terre et des capteurs in-situ dont les données sont concentrées et mises à disposition des centres de recherche du monde entier via différents opérateurs. Les observations satellitaires permettent notamment de surveiller l’évolution des propriétés de surface de l’océan à diverses échelles spatio-temporelles, tandis que les mesures in-situ permettent d’étudier la structure de sub-surface des océans mondiaux. Parmi ces derniers, on pourra notamment citer le réseau ARGO, constitué de 4000 bathymètres dérivant au gré des courants  et le réseau de bouées RAMA (Research Moored Array for African-Asian-Australian Monsoon Analysis and Prediction), composé d’une quarantaine de bouées amarrées réparties le long de la ceinture tropicale.

La couverture et la résolution spatio-temporelle de ces réseaux d’observation n’est toutefois pas uniforme, ce qui peut parfois s’avérer problématique dans les régions, notamment tropicales, où leur densité spatiale est plus faible. Par ailleurs, et bien que la couverture des océans progresse régulièrement grâce au déploiement de nouveaux capteurs et au lancement de missions spatiales toujours plus ambitieuses, ces programmes sont également adossés à des coûts de développement et d’exploitation colossaux – le cout d’exploitation annuel du réseau ARGO est, par exemple, estimé à environ 40 millions de dollars. Dans ce contexte, la communauté scientifique réfléchit depuis plusieurs années à la mise en œuvre de moyens alternatifs permettant d’améliorer, et de compléter, la couverture spatio-temporelle mondiale des observations océaniques à moindre coût.

 

L’une de ces approches, désormais largement éprouvée, est appelée « biologging ». Elle repose sur l’utilisation d’animaux marins, le plus souvent migrateurs, équipés de balises (« biologgers ») visant à échantillonner la structure et les propriétés de sub-surface de l’océan (température, salinité, fluorescence…) à haute fréquence sur des périodes de quelques jours à plusieurs années. Ces balises, fixées sur les animaux, comportent un dispositif électronique  enregistrant la position des animaux ainsi que les propriétés du milieu dans lequel ils évoluent. Cette approche pluridisciplinaire permet ainsi non seulement d’étudier les déplacements des  animaux mais également d’enregistrer les paramètres physiques et/ou  bio-géochimiques de leur milieu.

Ces balises, de type Argos ou GPS, étant « relativement » peu coûteuses à mettre en œuvre, le biologging permet potentiellement de collecter des données de surface et des profils hydrographiques dans tous les océans du globe pour un cout financier et humain sans commune mesure avec celui des systèmes d’observations conventionnels. Dans une étude récente, il a ainsi été estimé que le cout moyen d’un profil hydrographique de type ARGO était en moyenne 10 fois supérieur à celui d’un profil obtenu au moyen d’animaux marins. D’autre part, et c’est là un autre atout fondamental de cette approche, le biologging permet de contribuer fortement à l’autonomisation des pays à faibles ressources en leur offrant la possibilité de participer activement aux programmes d’observation de la Terre, et d’intégrer ainsi plus largement la communauté scientifique internationale.

Quelques exemples d’animaux équipés

Dans l’océan, ce sont surtout les mammifères marins, et en particulier les éléphants de mer, qui ont été utilisés jusqu’à présent, en raison de leur mobilité, de leur grande taille, et de leur capacité à plonger profondément et fréquemment dans la mer. Cependant, les éléphants de mer évoluant uniquement aux hautes latitudes, les mesures environnementales par biologging restent rares dans les autres régions du monde et en particulier dans les océans tropicaux.

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